4. Informations nécessaires pour l’application de la méthode des effets

L’information nécessaire pour appliquer la méthode des effets à un projet a été signalée tout au long des paragraphes précédents, soit qu’il s’agisse de l’évaluation ponctuelle d’un seul projet, soit qu’il s’agisse d’évaluations systématiques de projets pour établir une programmation dans le cadre de l’élaboration d’un Plan.
Ce chapitre présente une récapitulation de ces informations nécessaires au niveau du projet tout d’abord (informations à dominante « micro-économique »), puis au niveau de l’économie dans laquelle le projet vient s’insérer (informations à dominante « macro-économique » et « méso-économique »), et ceci dans le cas d’une évaluation isolée et dans le cas d’évaluations systématiques.

4.1 Informations nécessaires au niveau du projet

On peut distinguer, un peu artificiellement cependant, les informations générales nécessaires en tout état de cause, quel que soit le type d’évaluation à laquelle on procède (évaluations financières, ou par les effets, ou par les prix de référence), des informations nécessaires spécifiquement à l’application de la méthode des effets.

Informations générales nécessaires

La bonne qualité de ces informations est essentielle : sans elle, tout l’exercice suivant d’évaluation économique est sans signification. Il convient donc de contrôler et de vérifier toutes ces informations, autant que faire se peut.

Ces informations concernent tout d’abord :
– L’étude du marché interne :
Dans le cas d’évaluations systématiques pour un Plan en particulier, l’étude de marché doit s’appuyer de manière cohérente sur les projections macro-économiques à moyen terme (taux de croissance du PIB, taux démographique, taux de croissance de la consommation des ménages par tête…).
– L’étude du marché international :
Là encore, les hypothèses retenues pour cette étude doivent être cohérentes avec celles retenues dans les autres études effectuées, tant au niveau national qu’au niveau des grands Organismes Internationaux : c’est sur la base de ces études de marchés national et international, en tout état de cause nécessaires, que dans la méthode des effets on définira la situation alternative sans projet.
– Les études techniques :
dimensionnement ; localisation ; choix du procédé ; choix des matériels ; nature, quantités et disponibilité des intrants ; nature, quantité et disponibilité de la main-d’oeuvre ; organisation prévue…

Ces informations concernent également les données relatives aux aspects financiers et de rentabilité, plus à mêmes d’être directement vérifiées par les évaluateurs :
– prix des matériels, des intrants, des extrants ; niveau des salaires ; régime fiscal…
– conditions de financement ; études de rentabilité financière ; prise en compte du code des investissements…

Informations spécifiques

Il y a peu d’informations véritablement spécifiques à rassembler au niveau strict du projet pour pouvoir procéder à l’application de la méthode des effets ; tout au plus peut-on situer à ce niveau l’étude :
– de l’origine, locale ou importée, des biens faisant l’objet de consommations intermédiaires ou entrant dans les investissements ;
– de l’origine, locale ou étrangère, des salariés;
– des transferts éventuels de bénéfices.

Ces données sont également nécessaires pour procéder à l’évaluation par les méthodes prix de référence.
On peut encore ranger dans cette catégorie les informations nécessaires à l’étude de la situation de référence sans projet; plusieurs cas ont été envisagés (§3.3) :

– pour les projets de substitution d’importation, il faut pouvoir disposer des tarifs douaniers en vigueur (Document des douanes) ;
– pour les projets d’exportation, il n’y a pas d’informations à réunir puisque la situation de référence est de ne rien faire ;
– pour les projets de modernisation de technique, il sera nécessaire de rechercher une information sur la situation alternative :
– dans le cas de productions modernes alternatives, il faudra disposer des comptes d’exploitation passés, et disposer éventuellement de batteries d’indices de prix ;
– dans le cas de productions artisanales ou traditionnelles alternatives, on l’a vu, cette recherche pourra nécessiter des enquêtes particulières, souvent difficiles et longues, sur le terrain.

4.2. Informations nécessaires au niveau de l’économie

Le rassemblement systématique de ces informations est, en revanche, tout à fait caractéristique de la méthode des effets . On distingue les informations macro-économiques au niveau de l’économie globale, des informations dites « méso-économiques », au niveau intermédiaire, « moyen », des branches, des régions…

Informations macro-économiques

Ces informations concernent tout d’abord, on l’a vu, les données globales de projection à moyen terme, sur lesquelles vont s’appuyer les études de marché intérieur : ces études sont d’autant plus nécessaires que l’on cherche à procéder à des programmations systématiques de projets.
Si l’on se place dans le cadre de l’élaboration d’un Plan, le rassemblement de ces informations et la nécessité de leur cohérence conduit à prévoir l’établissement « d’esquisses semi-globales à moyen terme » articulées sur les objectifs et les stratégies de développement retenus par les Responsables Politiques du pays.
Si l’on se place à l’autre extrême, dans le cadre de l’évaluation d’un seul projet, il suffira de disposer d’une hypothèse vraisemblable concernant la croissance du revenu intérieur pour asseoir l’étude du marché national du bien dont la production est prévue par le projet.

Les autres données macro-économiques nécessaires concernent la disponibilité d’un Tableau Entrées-Sorties (TES) à contenu d’importations, dont on tire par inversion de la matrice des coefficients techniques les différents taux inclus par branches.
Sans être absolument indispensable en première étape, ce TES apparaît cependant tout à fait nécessaire lorsque l’on veut procéder à des évaluations systématiques de projets pour établir des programmations pluriannuelles ou dans le cadre des travaux d’élaboration d’un Plan de développement.

L’idéal est évidemment de disposer du TES le plus détaillé, le plus précis et le plus récent possible. En pratique, un TES de quelques dizaines de branches (à partir de 20 ou 30), pas trop ancien (5 ans par exemple) semble tout à fait utilisable :
– plus le TES est précis et récent, plus on pourra avoir recours directement aux taux inclus de branches ;
– plus, à l’inverse, le TES est approximatif et ancien et plus il faudra avoir recours aux remontées de chaînes et cantonner l’utilisation des taux inclus de branches à des consommations intermédiaires de faible importance.

Il convient de ne pas oublier que c’est l’utilisation que l’on fait d’un outil statistique qui rejaillit sur ses conditions mêmes d’élaboration : ce n’est qu’en commençant à utiliser avec quelques précautions les TES tels qu’ils sont, qu’à terme on peut espérer une amélioration de leur qualité et de la fréquence de leur établissement .

Si aucun TES n’est disponible, il conviendra de procéder à des remontées de chaînes systématiques, puis à des approximations : c’est ainsi que l’on pourra étudier ponctuellement un projet dans un pays.
Cependant dès que ce type d’étude tendra à se généraliser, la demande auprès du Service de Comptabilité Nationale deviendra plus pressante et viendra modifier ses priorités, en faveur de l’établissement de tels TES.

Informations « méso-économiques »

Pour affiner les calculs à partir des taux du TES ou pour s’y substituer, il faut disposer de toute une série de comptes permettant d’effectuer des remontées de chaînes.

Dans le cas où l’on dispose d’un TES, cette information peut être rassemblée progressivement :
– au début, on peut n’effectuer les calculs qu’avec les taux inclus de branches tirés du TES ;
– puis, au fur et à mesure que cette procédure d’évaluation se généralise, on analyse les postes successivement rencontrés par remontée des chaînes, c’est-à-dire en remontant une chaîne et en utilisant en amont les taux inclus de branches.

On sera ainsi amené progressivement à analyser :
– les sous-branches les plus courantes (électricité, produits pétroliers raffinés, transports routiers, eau, PTT, ciment, engrais…) ; simultanément, on examine le taux d’utilisation des capacités et on détermine éventuellement le taux marginal d’investissements complémentaires ;
– les rubriques comptables courantes (entretien, frais généraux, déplacements, frais divers de gestion…) ;
– les structures des prix des principaux produits importés rendus sur leurs lieux d’utilisation (valeur CAF, impôts et taxes, frais de port et de débarquement, transports jusqu’au lieu d’utilisation, marges commerciales…).

Ainsi, le service d’évaluation se constitue une bibliothèque de comptes ventilés, qu’il étend et précise progressivement et qu’il met à jour périodiquement.

Dans le cas où l’on ne dispose pas initialement d’un TES, il faut dès le premier projet remonter suffisamment de chaînes de production pour pouvoir déboucher, avec des approximations convenables, sur la ventilation de la valeur de la production en termes de revenus inclus.

Le travail initial, pour un premier projet, peut s’avérer important : il est rapidement décroissant, au fur et à mesure que l’on constitue la bibliothèque de comptes ventilés évoquée précédemment.