La méthode des effets, schéma logique et guide d’utilisation
1. La méthode des effets
Ce qu’on appelle la « méthode des effets » consiste en une procédure d’analyse et de calcul économiques qui vise à mesurer l’intérêt d’un projet du point de vue d’un ensemble national ; dans le ou les calculs qui sont présentés, les « avantages » relatifs au projet sont rapprochés des « coûts »; la méthode des effets relève donc des méthodes dites « coûts-avantages ». Elle constitue une méthode alternative aux méthodes prix de référence.
Comme indiqué précédemment, il est commode pour présenter cette méthode de distinguer deux parties dans l’exposé :
– une partie analyse économique proprement dite,
– une partie calcul économique et procédure de choix.
1.1 L’analyse des effets
Partons, par exemple, d’un projet de production d’un bien industriel, projet envisagé par un entrepreneur privé en vue de couvrir tout ou partie d’un marché intérieur ou extérieur.
Une fois effectuées les études de marché, les études techniques (procédés, localisation…), les études de financement et de rentabilité financière, le projet est caractérisé par :
– sa chronique de coûts d’investissement,
– sa chronique de comptes d’exploitation prévisionnels.
C’est à partir de ces chroniques, et tout particulièrement à partir des comptes d’exploitation, que l’analyse des effets va être menée.
Schématiquement, le raisonnement est conduit en quatre étapes :
1. tout d’abord on définit la « situation sans projet » qui permet, sans investissements nouveaux, d’approvisionner le pays dans le bien dont la production est prévue : que l’on soit dans la « situation avec projet » ou dans la « situation sans projet », les mêmes quantités des différents biens sont disponibles dans le pays : on dit que le raisonnement est mené à demande intérieure donnée ;
2. on analyse alors la situation avec projet en insérant précisément le projet (ou la grappe de projets liés) dans l’économie du pays ;
3. on effectue ensuite une analyse strictement de même type pour la situation sans projet
4. la comparaison des analyses de ces deux situations avec et sans projet permet de déterminer les effets nets du projet (ou de la grappe de projets) sur l’économie du pays.
< Définition des situations alternatives
Les études de marché effectuées permettent de préciser dans lequel des trois cas suivants le projet, pour partie au moins, va venir se situer :
– Si le projet n’est pas réalisé, la demande intérieure en ce bien industriel est satisfaite par l’importation : la situation sans projet (ou situation alternative ou encore situation de référence) est l’importation et le projet s’analyse comme un projet de substitution d’importation.
– Si le projet n’est pas réalisé, la demande intérieure en ce bien industriel continue à être satisfaite par la production de ce bien dans le pays avec les techniques en vigueur : la situation sans projet est la production nationale avec ces techniques, et le projet s’analyse comme un projet de modernisation ou de changement de technique.
– Enfin, si la production du projet n’est pas destinée à la demande intérieure, celle-ci est (directement au moins) indifférente à la réalisation ou non du projet : la situation sans projet est de ne rien faire, et le projet est un projet d’exportation.
Dans ces trois cas, la demande intérieure est satisfaite de manière identique, pour le bien industriel prévu par le projet comme pour les autres, que le projet soit réalisé ou non : il suffit alors de comparer la structure des revenus créés dans chacun des deux cas pour disposer de l’ensemble des effets du projet, en phase de fonctionnement, sur l’économie.
< Analyse de la situation avec projet
La valeur de la production du projet (ou de la grappe de projets liés) est mesurée par la valeur du bien industriel commercialisé sur le marché intérieur, pour les projets de substitution d’importation ou les projets de modernisation, et par la valeur FOB du bien pour les projets d’exportation. C’est cette valeur de la production qui va être analysée dans ses composantes.
Pour ce faire, on va procéder en trois étapes :
On va tout d’abord présenter le compte d’exploitation sur lequel on travaille sous forme de comptabilité nationale, en distinguant d’une part, les achats de biens et de services (consommations intermédiaires), d’autre part, les autres postes de salaires, d’impôt … (valeur ajoutée).
Dans une deuxième étape, ces consommations intermédiaires sont ventilées en consommations intermédiaires locales (et c’est grâce à elles que le projet s’articule dans l’économie nationale) et en consommations intermédiaires importées (elles-mêmes ventilées en importations CAF, droits et taxes sur importations et, éventuellement, frais et marges).
Dans une troisième étape, les consommations intermédiaires locales qui, par définition, sont produites dans le pays, font à leur tour l’objet d’une même analyse et sont ventilées en :
– consommations intermédiaires locales,
– consommations intermédiaires importées,
– valeur ajoutée.
A leur tour, on ventile ces nouvelles consommations intermédiaires locales en consommations intermédiaires locales, consommations intermédiaires importées, valeur ajoutée, etc. ; on conçoit que, ayant remonté ainsi successivement les différentes chaînes de production, le montant des diverses consommations intermédiaires locales tende à devenir négligeable et que la valeur de la production du projet se trouve en définitive ventilée en seulement deux rubriques :
– une rubrique d’importations incluses, somme des consommations intermédiaires importées aux différents stades de la production,
– une rubrique de valeur ajoutée incluse, somme des valeurs ajoutées distribuées à ces mêmes stades de la production.
En fait, à chaque stade, la valeur ajoutée est ventilée dans ses composantes de revenus (par exemple : salaires, impôts et taxes, revenus bruts d’entrepreneurs…), si bien qu’au total, la valeur de la production se trouve ventilée en :
– importations incluses,
– valeur ajoutée incluse, elle même somme de :
– salaires inclus
– impôts et taxes inclus
– revenus bruts d’entrepreneurs inclus.
< Analyse de la situation sans projet
Pour les projets de substitution d’importation et les projets de modernisation de technique, la situation de référence qui permet d’approvisionner le pays dans les mêmes quantités du bien considéré est constituée respectivement par l’importation de ce bien, et par la production de ce bien par l’ancienne technique.
L’analyse de la situation sans projet consiste à analyser la structure de la valeur de l’importation alternative pour les projets de substitution d’importation, et la structure de la valeur de la production suivant l’ancienne technique, pour les projets de modernisation.
Ces analyses sont effectuées comme précédemment, en remontant successivement les différentes chaînes de production des consommations intermédiaires locales. Au total, la valeur de la situation alternative se trouve ventilée en :
– importations incluses,
– valeur ajoutée incluse, elle même somme de :
– salaires inclus
– impôts et taxes inclus
– revenus bruts d’entrepreneurs inclus.
Pour les projets d’exportation, la situation alternative consiste à ne rien faire : elle ne comporte donc ni importations incluses ni valeur ajoutée incluse ; mais il faudra tenir compte du fait que l’ensemble de la valeur de la production est exporté.
< Mesure des effets du projet sur l’économie
En phase de fonctionnement du projet tout d’abord, les effets nets du projet sur les revenus des différents agents sont obtenus en comparant, toutes choses égales d’ailleurs :
– la structure de la valeur du bien lorsqu’il est produit par le projet (situation avec projet), et
– la structure de la valeur du bien lorsqu’il est mis à disposition dans l’économie par la technique alternative (situation sans projet).
Si les valeurs du bien sont les mêmes dans les deux situations avec et sans projet, c’est-à-dire si les prix ne sont pas modifiés, la comparaison précédente conduit au résultat suivant :
Le différentiel d’importations entre la situation avec projet et la situation sans projet, ou gain d’importations
– est égal au différentiel de valeurs ajoutées, ou valeur ajoutée supplémentaire
– qui est aussi égal à la somme algébrique (car certains peuvent apparaître négatifs) des revenus supplémentaires par agent.
Si le prix est modifié, par exemple à la hausse, les résultats précédents sont maintenus, à condition de prendre en compte les revenus des acheteurs (en général les ménages) qui subissent cette hausse de prix : celle-ci est équivalente à un manque à gagner, ou encore à une baisse de revenus pour ces acheteurs.
Enfin pour un projet d’exportation, la valeur ajoutée incluse et les revenus inclus apparaissent directement comme valeur ajoutée supplémentaire et revenus supplémentaires puisque, à demande intérieur donnée, la situation alternative consiste à ne rien faire ; cette valeur ajoutée supplémentaire est encore égale au gain en devises (valeur FOB de l’exportation moins importations incluses du projet).
En phase d’équipement du projet, les effets nets sur l’économie sont constitués par :
– la masse des financements qu’il a fallu mobiliser pour le projet, et
– leur contrepartie en termes d’investissements, puisque la situation alternative est réalisée sans investissements.
Les investissements du projet sont constitués d’un ensemble de biens et de services (travaux publics, bâtiments, machines, …) sur lesquels on peut mener une analyse analogue à la précédente ; on obtient alors une ventilation de leur valeur en :
– importations incluses,
– valeur ajoutée incluse, elle même somme de :
– salaires inclus
– impôts et taxes inclus
– revenus bruts d’entrepreneurs inclus.
1.2 Calcul économique et procédure de choix
A la suite de l’analyse effectuée précédemment, on dispose de tout un ensemble de chiffres caractérisant à la fois :
– le projet et
– l’économie dans laquelle il vient s’insérer.
Deux types de problèmes portant sur le choix des projets peuvent alors être éclairés :
– le problème consistant à juger du projet en quelque sorte dans l’absolu : on est alors conduit à tenter de rassembler l’ensemble des chiffres caractéristiques précédents dans une formule synthétique débouchant sur une appréciation globale de l’intérêt du projet pour le pays ; c’est la voie du calcul économique global, qui est particulièrement bien adaptée au problème d’Organisations Internationales de financement extérieures au pays, préoccupées de savoir si le projet est « bon » ou « mauvais » ;
– le problème consistant à classer le projet par rapport à tout un ensemble d’autres projets, de manière à pouvoir déboucher sur une programmation nationale de projets la mieux adaptée aux objectifs poursuivis : on est alors conduit à insérer progressivement différentes approches de calcul économique dans une procédure de discussions entre les responsables concernés ; c’est la voie de la procédure de choix qui est particulièrement bien adaptée au problème de programmation nationale des projets dans le cadre de l’élaboration d’un Plan.
< Calcul économique
De l’ensemble des chiffres caractéristiques rassemblés précédemment, on va retenir :
– d’une part, ceux qui caractérisent l’impact du projet sur les objectifs: ce sont les « avantages » ;
– d’autre part, ceux qui caractérisent l’impact du projet sur les contraintes (les facteurs rares) : ce sont les « coûts ».
L’utilisation d’une formule mathématique permet alors de déboucher sur un critère synthétique de rentabilité (ratio de rentabilité, délai de récupération, bénéfice actualisé, taux de rentabilité interne).
< Procédure de choix
Comme indiqué précédemment, dans le cas d’une procédure de planification il est toujours possible d’en référer aux Responsables Politiques nationaux qui ont en charge la définition et l’exécution des politiques de développement. Le choix des projets résulte alors d’une procédure itérative de discussions entre, d’une part, les économistes du Plan qui proposent des programmations de projets sur la base de certains calculs économiques et, d’autre part, ces Responsables Politiques qui, au vu de ces programmations, précisent leurs objectifs et leurs directives.
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