Extraits du livre « De la Résistance aux guerres coloniales : des officiers républicains
témoignent » de Marc CHERVEL, Edition l’Harmattan, 2001, 329 p.
 

PREFACE:

Les guerres Nord-sud de la deuxième moitié du XXème siècle

Dans la deuxième moitié du XXème siècle, des pays développés, qu’on appellera suivant une terminologie courante « pays du Nord », ont mené un certain nombre de guerres contre des pays en voie de développement, qu’on appellera « pays du Sud ». Principalement quatre longues guerres : la guerre française d’Indochine, la guerre française d’Algérie, la guerre américaine du Viêt-nam, la guerre soviétique d’Afghanistan.

Ces quatre guerres ont un certain nombre de points en commun : elles ont été mis aux prises des armées conventionnelles de ces riches pays du Nord et des bandes de rebelles de ces pauvres pays du Sud, souvent beaucoup moins peuplés : il s’est agi de guerres de guérilla. Elles se sont succédées dans le temps et ont eu, à peu de choses près, des durées équivalentes, entre 8 et 10 ans : la guerre d’Indochine de 1946 à 1954, la guerre d’Algérie de 1954 à 1962, la guerre du Viêt-Nam de 1966 à 1975, la guerre d’Afghanistan de 1979 à 1988. À l’exception cependant de la guerre française d’Indochine, elles ont été menées, du côté des pays du Nord, par des armées de conscription. Elles ont causé, en proportion des populations des pays, relativement peu de pertes en vies humaines du côté des pays du Nord, mais, si on prend en compte les pertes des populations civiles, beaucoup plus du côté des pays du Sud (plusieurs centaines de milliers, voire plusieurs millions de morts).

En résumé, on peut dire que dans ces guerres, les pays 100 fois plus riches du Nord ont fait 40 fois plus de morts dans les pays pauvres du Sud (tableau statistique en fin de la préface).

Autres points communs, ces guerres sont devenues progressivement largement impopulaires dans les pays du Nord et on peut considérer que, d’une façon ou d’une autre, militairement ou diplomatiquement, elles ont toutes été perdues.

En se plaçant du côté des pays du Nord, ces guerres diffèrent cependant quant à leur importance relative, compte tenu des populations de ces différents pays et des corps expéditionnaire engagés. Ainsi, pour les guerres menées avec le contingent, si l’on rapporte les effectifs du corps expéditionnaire ou encore le nombre de tués à la population totale, la guerre d’Algérie apparaît comme trois fois plus importante pour la France que la guerre du Viêt-nam pour les Américains et 15 fois plus importante que la guerre d’Afghanistan pour les Soviétiques. La guerre française d’Indochine qui, elle, avait été menée avec l’armée de métier, a été nettement la plus meurtrière de toutes ces guerres : en proportion des effectifs envoyés, environ 6 fois plus meurtrière que la guerre d’Algérie et 3 fois plus que guerre américaine du Viêt-nam.

L’importance des guerres d’Indochine et d’Algérie pour la France (1), notamment en comparaison de la guerre américaine du Viêt-nam, n’apparaît pas à l’évidence si l’on prend comme référence l’écho qui en est donné dans les médias (cinéma, télévision) (2). Cet difficulté, typiquement française, à rendre compte de sa propre histoire n’est d’ailleurs pas spécifique à ces guerres : elle est de tout temps et les exemples sont très nombreux. Il a fallu un siècle pour trouver des films sur l’affaire Dreyfus, qui divisa si profondément la France ; trente ans pour qu’un historien (américain!) propose une vision moins schématique de la France de Pétain (3); dix ans pour qu’un téléfilm sur cette période, commandé par la télévision française, puisse enfin être programmé (4). Il est encore risqué, quarante ans après, de projeter dans une salle de cinéma un des rares films critiques centrés sur la guerre d’Algérie (La bataille d’Alger, film italien de G. Pontecorvo, ou Le vent des Aurès de René Vautier).

Le nombre de films, de téléfilms ou de séries télévisées américains : sur la guerre du Viêt-nam tend alors à créer un effet d’optique, une distorsion: les guerres coloniales dans lesquelles la France a été entraînée entre 1946 et 1962 ont été, en proportion, autrement traumatisantes.

Certes de très nombreux livres et articles ont été écrits sur la guerre d’Algérie, beaucoup moins sur la guerre d’Indochine. Mais, là encore, l’histoire est racontée d’une manière qui tend à devenir conforme, gommant un certain nombre d’aspects significatifs. Les témoignages rassemblés dans cet ouvrage portent pour l’essentiel sur cette période de 16 ans où les gouvernements français successifs ont impliqué l’armée dans des guerres coloniales « imbéciles et sans issue », pour reprendre les termes utilisés par Guy Mollet lors de la campagne électorale de fin 1955. Ces témoignages apportent, sur tout un ensemble de points, un éclairage différent.

Les témoignages présentés

En 1944, après les débarquements de Normandie et de Provence, les troupes des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) rejoignent la première armée française commandée par le général De Lattre de Tassigny, au fur et à mesure de son avance. Les Francs Tireurs et Partisans Français (FTP), groupes armés à dominante communiste, constituent la part la plus importante et la plus active de ces troupes.

Une des principales préoccupations du général De Lattre va alors être de réussir « l’amalgame », c’est-à-dire la fusion entre l’armée « régulière » venant d’Afrique du Nord, après les campagnes d’Italie et de France, et ces troupes FFI : il va y consacrer « le meilleur de son temps ».

 » Ce succès (de l’amalgame), je le voulais de toute mon âme parce que je le savais nécessaire. Nécessaire, il l’était matériellement parce que notre armée avait besoin d’accroître ses effectifs … Nécessaire, il l’était encore parce que le dynamisme et la générosité admirables de cette jeunesse révélée par la Résistance ‘étaient dus qu’à la France et qu’il eût été impardonnable qu’ils fussent inemployés, gâchés, ou pire encore, utilisés pour des aventures. Enfin il y allait de l’avenir de notre armée et de son unité – mieux encore, de l’avenir des rapports entre l’Armée et la Nation (5).

Ainsi 137 000 FFI viennent renforcer, pour la durée de la guerre, les 250 000 soldats « venus de l’Empire ».

La guerre terminée, seuls quelques milliers d’entre eux seront intégrés dans l’armée (6).
Les témoignages présentés dans cet ouvrage proviennent d’officiers de carrière issus de la Résistance, où ils ont combattu dans ces groupes armés des FTP.

Dans les interviews qui ont été menées, ces officiers reviennent sur cette période où, dans les combats contre l’occupant, leur vocation militaire s’est affirmée : Michel Herr dans la région de l’Yonne, où il accueillera un très jeune étudiant espagnol Jorge Semprun, René Paquet dans la Creuse, Georges Alziari dans les Basses-Alpes, Léon Horard dans l’Ain, Jean Brugié dans le Languedoc. Ayant choisi de rester dans l’armée, contrairement à nombre d’entre leurs camarades, ils seront intégrés: avec le grade de capitaine, pour les plus anciens, officiers de réserve au début de la guerre, ou avec le grade de sous-lieutenant pour les plus jeunes, après être passés par une école d’officier.

Mais ils devront faire la campagne d’Indochine.

Et après être restés des années « en instance d’affectation » au Dépôt Central des Isolés de Versailles (7), ces officiers jugés communistes ou sympathisants, seront, pour la majeure partie d’entre eux affectés en Algérie : René Paquet – c’est là que l’auteur l’a rencontré – Léon Horard, Georges Alziari (8), Jean Brugié.

Les témoignages de ces officiers n’ont pas été remaniés avec complaisance pour cette publication. Certains sont d’époque; ils ont été écrits et publiés avant la fin de ces guerres: ainsi du Journal de marche en Indochine de Michel Herr, publié en mars 1954 (9), et du Journal de marche en Kabylie de Georges Alziari, publié en juin 1959 (10). Les autres ont été reconstruits à partir de documents officiels ou personnels, les sources étant croisées entre elles. Ainsi l’interview de Michel Herr sur la période de la Résistance est systématiquement confrontée à ce qu’en écrit dans ses différents ouvrages Jorge Semprun, qui a partagé les mêmes aventures et en a été fortement marqué.

De même René Paquet et l’auteur, qui ont vécu ensemble de longs mois au Faidja dans le sud-oranais, rendent compte chacun de leur côté de cette expérience commune, chacun de ces témoignages étant fondé sur les documents qu’ils ont gardés : lettres et notes officielles adressées à leurs supérieurs, documents administratifs qu ‘ils ont pu se procurer et, pour l’auteur, plus de 50 lettres envoyées à ses parents et à Armelle, son amie de cœur, lettres qui ont été conservées.

Jean Brugié a repris des rédactions antérieures, en s’appuyant sur d’autres témoignages, sur des publications, des documents officiels et en revenant sur les échos donnés par la presse de l’époque.

Pour Léon Horard, malheureusement disparu en 1992, on ne dispose que d’une note dans laquelle il explique les circonstances qui l’ont amené à écrire au Président de la République en mai 1958 et des articles de presse que cette lettre a suscités.

De tous ces témoignages, il ressort des points de vue différents sur certains aspects de ces guerres coloniales. Dans cette préface, on relèvera trois points qui se rapportent à la responsabilité des gouvernements de l’époque de la guerre d’Algérie – responsabilité souvent occultée ou amoindrie et reportée sur l’armée dans son ensemble, à laquelle on fait jouer un rôle de bouc émissaire.

Ces trois points concernent :

– les exécutions capitales et les exactions : tortures et exécutions sommaires,
– le rôle de l’armée lors du putsch du 13 mai 1958
– la poursuite de la guerre après le 13 mai et l’établissement de la paix.

Les responsabilités gouvernementales dans la guerre d’Algérie : les exécutions capitales et la torture

Premier point décisif, sur lequel on insiste insuffisamment, certains historiens le passant même complètement sous silence : les exécutions capitales dans les prisons d’Algérie et de France.

Quelles étaient les raisons données par le FLN pour les attentats aveugles d’Alger en 1956-1957, pour ces bombes des « terroristes » qui firent une trentaine de morts et des centaines de blessés dans la population européenne d’Alger et qui furent à l’origine de la bataille d’Alger et de l’institutionnalisation de la torture ?

L’état de guerre n’ayant pas été institué (11), ce sont les qualifications pénales de droit commun qui sont appliquées aux infractions. Un « algérien » (mais ce terme n’est jamais utilisé, on dit un « musulman » ou un « arabe ») arrêté après une action contre une unité militaire, une gendarmerie, un commissariat de police, un musulman ou un européen est un « terroriste ». Certes, la loi sur l’État d’urgence du 3 avril 1955 permet de déférer aux Tribunaux militaires, plus expéditifs, les individus qui ont commis des crimes ou des délits ; mais, lorsqu’ils sont condamnés à mort, ils doivent être guillotinés: ce sont des criminels de droit commun.

Jusqu’en juin 1956, les condamnés à mort ne sont pas exécutés.
Le 19 juin, Robert Lacoste, ministre résidant (12) du gouvernement Guy Mollet, cède à la pression des ultras d’Alger et refuse la grâce de 4 condamnés puis, 2 jours après, de 5 autres: ils sont guillotinés. À partir de là, les exécutions vont se suivre à Alger, Oran et Constantine, souvent opportunément pour tenter de faire baisser la tension attisée par les ultras d’Alger. Entre 1956 et mai 1958, il y eut plus de 150 « Algériens » guillotinés dans les prisons d’Algérie: environ 60 sous la présidence du Conseil de Guy Mollet (1/2/1956-13/6/1957), environ 20 sous la présidence de Bourgès-Maunoury (13/66/11/1957) et environ 70 sous la présidence de Félix Gaillard (6/11/1957-14/5/1958), les ministres de la justice étant successivement François Mitterrand, Edward Corniglion-Molinier et Robert Lecourt. Les grâces de notre « bon » président Coty sont rares, au point que les avocats protestent : « Le recours en grâce a-t-il encore une signification (13).

La situation est la suivante. D’un côté le FLN n’accepte pas que ceux qu’il considère comme ses combattants reçoivent cette mort infamante ; et d’un autre côté, les ultras d’Algérie exercent une pression constante pour que les condamnés à mort (il y en a près de 300 début 1958) soient guillotinés (14).
Dans un premier temps, après fin 1956, à la suite des exécutions capitales, le FLN réagit en déposant des bombes dans des lieux publics. En pleine bataille d’Alger, Germaine Tillion tente de négocier avec Yacef Saadi l’arrêt simultané des poses de bombes et exécutions capitales ; sans succès car les exécutions reprennent durant ces négociations mêmes, puis les poses de bombes.
En 1958, le FLN change de tactique. Reprenons, à partir du journal Le Monde, une chronologie des faits, chronologie sans doute partielle en ce qui concerne les exécutions15 :
– Janvier 1958 : Quatre soldats français sont faits prisonniers par le FLN dans la zone de Sakhiet Sidi Youssef. Ils viennent s’ajouter aux quelques dizaines de militaires français déjà pris par l’ALN.
– 22 janvier 1958 : Le délégué de la Croix rouge est en pourparlers favorables avec le FLN pour la libération de ces prisonniers.
– 1er février 1958 : Le délégué a pris contact avec les quatre prisonniers.
– 2 février 1958 : Une exécution capitale à Alger.
– 5 février 1958 : Une exécution capitale à Oran.
– 6 février 1958 : Les 4 prisonniers ont écrit à leurs familles (en définitive, ces 4 soldats seront libérés le 20 octobre 1958).
– 7 février 1958 : Communiqué de la Délégation du FLN à Tunis :
« Sort des prisonniers algériens : Au moment où il (le FLN) montre la plus grande compréhension sur le problème des prisonniers de guerre, les tribunaux français condamnent à mort des prisonniers de guerre algériens ».
– 9 février 1958 : Une exécution capitale à Alger.
– 20 février 1958: Une exécution capitale à Oran.
– 23 février 1958 : Quatre exécutions capitales à Constantine.
– 4 mars 1958 : Une exécution capitale à Alger.
– 5 mars 1958 : Communiqué de la Délégation du FLN à Tunis :
le FLN menace d’user de représailles sur les soldats français prisonniers si ses militants continuent d’être guillotinés. Article de El-Moujahid : « Le couperet de la guillotine doit s’arrêter. Que l’opinion .française soit alertée: chaque patriote algérien qui monte à l’échafaud signifie un prisonnier passé par les armes ».
– 13 mars 1958 : Une exécution capitale à Constantine.
– 24 avril 1958 : Deux exécutions capitales à Alger.
– 25 avril 1958 : Trois exécutions capitales à Alger.
– 29 et 30 avril 1958 : Six exécutions capitales.
C’est à la suite de ces nouvelles exécutions à la guillotine que trois soldats français prisonniers sont fusillés par le FLN en Tunisie le 30 avril après une parodie de procès, on l’apprend le 9 mai 1958 par un communiqué du FLN. Et c’est à la suite de l’exécution de ces trois soldats que, le 13 mai, est organisée à Alger la manifestation que l’on sait.16
Autre point décisif : la torture et les exécutions sommaires.

L’opinion courante retient qu’elles ont été le fait des troupes du général Massu pendant la bataille d’Alger (première partie de l’année 1957) ; à la suite de quoi, ces pratiques ont été généralisées par l’armée sur l’ensemble de l’Algérie. Cette assertion est due au fait que général Massu est le seul responsable, militaire ou civil, à avoir assumé publiquement la réalité de ces pratiques ; mais cette assertion, elle est commode car elle dédouane les autres responsables, est très inexacte: la responsabilité du général Massu est très largement partagée, tant par la hiérarchie subalterne que, et c’est là l’essentiel, par la hiérarchie supérieure.
À l’origine, la torture est utilisée couramment par certaines « unités d’élite » en Indochine, notamment par les parachutistes, et à Alger par la police. Le général Massu n’a fait qu’un séjour en Indochine au tout début de la guerre comme cavalier avec le général Leclerc dans la 2éme DB (1945-1947). Etant entré dans les troupes parachutistes, il prend connaissance de l’utilisation de la torture en Algérie en 1955 lorsque, commandant les troupes aéroportées d’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie), il inspecte le régiment du lieutenant-colonel Bigeard à Tébessa : là, il apprend les pratiques utilisées en Indochine pour obtenir des renseignements et en particulier l’utilisation systématique
de la « gégène » (17)
« Les plus hautes autorités civiles venues en inspection, M.M. Bourgès Maunoury (19) Max Lejeune (20) visitèrent les centres d’interrogatoire et encouragèrent hautement cette formule » (21).
Le secrétaire général de la préfecture Paul Teitgen enregistrera plus de 3 000 « disparitions » officielles en 8 mois dans la seule ville d’Alger (22) et demandera à être relevé de ses fonctions.
Général Massu : « Mon action a été suivie de bout en bout par /es autorités. Si j’ai accepté l’emploi par mes subordonnés de moyens d’interrogatoire musclés, ça n’était pas ignoré. Bien plus, ça n’était pas ignoré par les autorités parisiennes … qui, au contraire, ont poussé à la roue» (23).
Guy Mollet : « S’il était vrai qu’il y ait des brutalités organisées par un individu ou deux, … Que pour faire parler un coupable il soit torturé, ce serait intolérable. Ce n’est pas concevable, même si ça ne se produit qu’une fois … La France, c’est dans le monde le pays des droits de l’homme» (24).

Où est la responsabilité principale ? Entre le président Guy Mollet qui, « avec une monstrueuse hypocrisie » (Pierre Vidal Naquet), nie toute utilisation de la torture et le général Massu qui assume ses ordres ?

Entre le colonel Bigeard qui fait disparaître les corps des suppliciés en les balançant d’hélicoptère (25) dans la mer, entre les colonels qui arrêtent, torturent et exécutent sommairement Larbi Ben M’hidi (26) ou Maurice Audin et d’autre part Robert Lacoste, ministre résidant en Algérie qui déclare que « Ben M’hidi s’est suicidé dans sa cellule en se pendant à l’aide des lambeaux de sa chemise » (27) et que Maurice Audin s’est échappé pendant un transfert ?

Le général parachutiste de Bollardière prendra ses distances avec les directives données par son camarade le général Massu ; il sera sanctionné de 60 jours de forteresse par le gouvernement présidé par Guy Mollet, muté en métropole, et sa carrière militaire sera brisée.
Où est la responsabilité principale ?
Dès avant la bataille d’Alger, sur instruction ministérielle (28), le Centre de Coordination Interarmées organise un Dispositif Opérationnel de Protection. Sont mis en place au niveau de chaque secteur (correspondant à une préfecture et à une division commandée par un général de division), en s’appuyant sur l’expérience de la 10ème DP à Alger, des Détachements Opérationnels de Protection (DOP) chargés d’obtenir et d’exploiter les renseignements: ainsi, sur la base de directives officielles prises au plus haut niveau, mais secrètes, sont institutionnalisés ces DOP dans toute l’Algérie, où officieront pendant toute la durée de la guerre des « professionnels » de la torture et des exécutions sommaires (29).
Tous ces témoignages rassemblés ici font état de l’action de ces DOP.
Est-ce à dire que toute l’année est impliquée ? L’affaissement moral dans lequel est conduite cette guerre non déclarée et non contrôlée permet à chaque unité militaire, de gendarmerie ou de police d’utiliser impunément ces moyens d’interrogatoire et d’exécutions sommaires. Et comme la carrière du militaire, du gendarme ou du policier est liée à l’efficacité de son action, on peut dire que suivant une pente « naturelle », ces moyens ont pu être largement utilisés en dehors même des DOP.
Il n’en reste pas moins qu’il était possible, et les témoignages présentés le montrent, de s’opposer quotidiennement à ces dérives ; et que le refus de ces dérives faisait tache d’huile. Mais là encore, la hiérarchie militaire a sanctionné lourdement les officiers qui protestaient contre ces exactions et le pouvoir civil, tant en Indochine qu’en Algérie, n’a pas soutenu ces officiers – c’est le moins qu’on puisse dire.
Les responsabilités gouvernementales dans la guerre d’Algérie : le 13 mai 1958
Revenons sur les faits (30).
Le 13 mai. dans l’après-midi, une manifestation est organisée aux morts d’Alger, en mémoire des trois soldats fusillés par le FLN en Tunisie. À la fin de la cérémonie, le gros de la foule s’étant dissipé, quelques centaines de manifestants emmenés par Pierre Lagaillarde, remontent les escaliers et viennent, sur l’esplanade du haut (le Forum) s’opposer au cordon de CRS qui garde le Gouvernement Général (le GG). Quelques grenades lacrymogènes sont lancées, qui exaspèrent les manifestants. Les CRS sont retirés, sur ordre préfet Baret, et remplacés par un cordon de parachutistes du 3ème RPC (31). Ceux-ci n’opposent qu’une faible résistance aux émeutiers, qui à 19 heures envahissent le GG et saccagent 1es bureaux.
Le général Massu, qui était retourné à son PC d’Hydra, apprend les événements. Il revient au GG et, furieux, tente de ramener le calme. Il est seul. Quelques jours auparavant Robert Lacoste, sentant la tension monter, est rentré à Paris, non sans avoir agité le chiffon. rouge de « l’abandon de l’Algérie » : avant son départ, le 8 mai 1957, il a mis en garde ses interlocuteurs contre le « Diên Biên Phu diplomatique » qui se prépare à Paris avec l’appel fait par le président Coty à Pierre Pflimlin pour former le gouvernement. Le général Salan est trop impopulaire pour pouvoir intervenir efficacement sur l’émeute. Un Comité de Salut Public est constitué par les manifestants : sans trop peser sur les conséquences de son acte, pour tenter de canaliser la manifestation, le général Massu qui, lui, est très populaire, en accepte la présidence et y fait entrer ses colonels. À Robert Lacoste qui le lui reprochera, il répondra: « Écoutez, si vous étiez resté, ce ne se serait probablement pas passé. On aurait vu comment vous vous seriez débrouillé vous ! ». Certes le général Massu déclare que « l’armée s’opposera à un gouvernement d’abandon » ; mais en même temps, il reste très préoccupé de rester dans la hiérarchie, dans la légalité. Avec le préfet Baret, il convainc le général en chef, le général Salan, de prendre en main provisoirement le mouvement. Celui-ci « très soucieux de ne pas s’enfoncer dans l’illégalité » (32) est en contact permanent avec le gouvernement. À Paris, le gouvernement démissionnaire, puis le nouveau gouvernement, lui délèguent les pouvoirs civils dam la nuit, car en effet, dans la nuit du 13 au 14, le gouvernement : Pflimlin est investi à une très large majorité. C’est un gouvernement républicain, qui comprend des hommes à poigne: au ministère de l’Intérieur, le socialiste Jules Moch qui a créé les CRS, qui a maté les grèves insurrectionnelles de 1947 ; à la Défense nationale, Chevigné. qui a réprimé l’insurrection malgache en 1948 ; au ministère de l’Algérie, Mutter, héros de la Résistance lors de la deuxième guerre mondiale. Le 14 mai au matin, le président de la République René Coty, Chef des Armées, s’adresse solennellement aux forces armées en Algérie en leur « donnant l’ordre de rester dans le devoir, sous l’autorité du gouvernement de la République française ».
Un peu plus tard, le même jour, le 14 mai, le général Massu convoque une conférence de presse et fait savoir que, puisque le gouvernement est investi, dès que le ministre de l’Algérie viendra, le Comité de salut public sera dissous (33).
Maintenant, il est souvent entendu que l’ensemble de l’armée s’était rallié au coup d’État (34), que la IVéme République était aux abois, qu’une pichenette devait suffire à la renverser, que le pouvoir n’était plus à Paris. Rien n’est moins sûr, et les témoignages rassemblés ici sont loin de montrer une telle unanimité dans l’année en faveur du putsch.
C’est aussi ce que souligne l’historien René Rémond dans l’ouvrage cité :
« il n’était pas inscrit dans les astres que le général De Gaulle devait revenir au pouvoir en mai 1958 : il semble bien que lui-même … en ait douté jusqu’au dernier moment. La Vème République n’était pas inéluctablement condamnée : elle avait vu d’autres crises dont elle était venue à bout. La situation …à l’automne 1947 – était autrement dramatique (35) ». Etc.
Où est le rapport de forces à la mi-mai à Alger ?
Il y a du côté des manifestants une partie importante sans doute des Français d ‘Alger, les unités territoriales (UT) et en particulier l’Unité territoriale blindée (UTB) commandée par le colonel Thomazo et quelques régiments parachutistes prêts à basculer. Mais, à l’exception du préfet d’Alger, l’administration préfectorale reste loyaliste ; mais l’armée française dans son ensemble n’est pas du tout putschiste : elle est dans l’expectative et attend de voir ce qu’il va se passer.
Cette attente est prudente, car il faut dire que, jusque là, le pouvoir politique a toujours cédé devant les initiatives des ultras d’Algérie ou devant les initiatives de l’État-Major : en février 1956 lors de la manifestation pour obtenir la démission du général Catroux ; en octobre 1956 lors de l’arraisonnement de l’avion de Ben Bella, qui met un terme au processus de discussion largement entamé avec le FLN ; en février 1957 lors du bombardement de Sakiet Sidi Youssef. Toujours, le gouvernement a cédé et toujours il a couvert ces initiatives.
L’armée attend donc de voir ce qu’il va se passer – les témoignages publiés dans cet ouvrage le montrent bien. Et il ne se passera rien. Après les rodomontades du début, le gouvernement Pflimlin ne donnera aucune directive, aucun ordre, mais composera et se lancera dans le compromis et l’intrigue. Le spectre des parachutistes sur Paris sera agité (l’opération « Résurrection ») auquel la classe politique fera semblant de croire. Peu à peu le mouvement parti d’Alger le 13 prendra de la consistance. Faute d’alternative, les attentistes le rejoindront progressivement. Guy Mollet se ralliera au général De Gaulle, qui sera investi le 1er juin, après avoir ironiquement, le 19 mai, refusé de désavouer les putschistes : « Certains traitent de généraux factieux des chefs qui n’ont été l’objet d’aucune sanction de la part des Pouvoirs publics, lesquels, même, leur ont délégué toute l’autorité. Alors moi qui ne suis pas actuellement les Pouvoirs publics, pourquoi voulez-vous que je les traite de factieux ? ».
Rien de tout cela n’était écrit
À deux autres reprises, les gouvernements issus de cette crise auront à connaître semblables mouvements. Ces mouvements seront alors beaucoup plus puissants que celui du 13 mai, pour deux raisons au moins. Tout d’abord parce que, la situation ayant évolué dans un sens diamétralement opposé à celui qui était escompté (reconnaissance de la spécificité algérienne, autodétermination en place de l’Algérie française) les Européens d’Algérie et une partie de l’armée vont s’estimer trahis par le général De Gaulle qu’ils ont porté au pouvoir et vont devenir véritablement furieux. Et aussi parce que l’expérience du 13 mai, pour la première fois depuis un siècle, aura montré qu’un putsch militaire pouvait réussir en France.
En ces deux occasions, les affaires seront beaucoup plus sérieuses qu’en mai 1958, mais ces mouvements de janvier 1960 (les barricades) et d’avril 1961 (putsch des généraux) seront très vite maîtrisés.

Plus précisément, que s’est-il passé ?
En janvier 1960, le général Massu, qui commande alors le corps d’armée d’Alger, fait des déclarations intempestives à un journaliste allemand qui a réussi à le circonvenir ; il est rappelé en métropole. Les manifestations tournent à l’émeute. Les émeutiers, organisés et armés (plus de 1 000 armes, dont plusieurs FM), veulent prendre le GG dans les facultés, bloquent le centre d’Alger avec Les gendarmes qui tentent d’intervenir sont « tirés comme des lapins »: 14 gendarmes tués et 123 blessés (contre 8 manifestants et 24 blessés). Les régiments de parachutistes d’Alger n’obéissent plus aux ordres de Paul Delouvrier, délégué général du gouvernement et du général Challe, commandant en chef, et ceux-ci doivent quittés Alger pour Alger pour La Reghaia afin de retrouver leur liberté de commandement. Après quelques péripéties plus ou moins grotesques (discours de Delouvrier : « Je vous laisse … (ma) femme et (mes) enfants. Veillez sur Mathieu, mon dernier fils … « , reddition « avec les honneurs militaires » du réduit des facultés, commando « Alcazar » … ), tout rentre dans l’ordre en douceur, en une semaine.

En avril 1961, quatre généraux d’armée et un régiment étranger de parachutistes prennent le contrôle d’Alger : un bon discours, énergique (« un quarteron de généraux en retraite… J’ordonne… J’interdis… ») et quatre jours plus tard, tout rentre dans l’ordre.

Que s’est-il passé le 13 mai 1958 ? Rien de bien différent ; au début rien de plus grave en tout cas (36). Le pasteur André Trocmé, qui était à Alger à cette époque déclarera :

« Ce n’était qu’une simple émeute qui eût été facilement ramenée à la dimension d’un incident si le gouvernement de Paris avait procédé à quelques arrestations dès le 14 mai….Il serait étrange que le gouvernement tremble et se laisse renverser par un mouvement aussi superficiel (37) ».

L’armée dans son ensemble n’était pas plus derrière les généraux Salan et Massu en 1958 qu’elle n’était derrière les quelques colonels des barricades en 1960 ou derrière les quatre généraux du putsch de 1961 – les témoignages le montrent. Ce n’est pas tant l’armée qui a pris le pouvoir le 13 mai 1958, c’est le gouvernement qui, à Paris, l’a abandonné – et qui, par-là même, a abandonné les officiers républicains qui avaient répondu à l’appel du président de la République René Coty de « rester dans le devoir ». Ces officiers seront sanctionnés dans les semaines qui suivent le 13 mai : ainsi un certain nombre d’officiers supérieurs, dont 6 généraux, qui n’avaient pas manisfesté un enthousiasme suffisant ou même, comme le général Katz,qui

avaient proclamé leur fidélité à la République, seront relevés de leur commandement et resteront un certain temps sans affectation(38). De même, les officiers qui témoignent ici seront alors une nouvelle fois sévèrement sanctionnés : ils seront relevés de leur commandement ; aucun d’entre eux ne recevra au cours de sa carrière la moindre promotion, aucun d’entre eux ne dépassera le grade de capitaine. Les conséquences de cet abandon du pouvoir aux factieux d’Alger seront désastreuses pour l’Algérie et pour tous les acteurs impliqués dans le conflit. Les responsabilités des gouvernements de la Vème République Avec la Vème République, on entre dans une longue période de malentendus, savamment entretenus par le général De Gaulle : discours creux, politiques contradictoires, phrases à double sens, proclamations obscures ; tout devient affaire d’interprétation. Dans un premier temps, le général De Gaulle va donner des gages aux Européens d’Algérie et aux militaires : il charge ces derniers de gagner la guerre. Celle-ci est intensifiée : c’est l’époque des grandes opérations du général Challe, si meurtrières pour les fellagha. Mais l’intensification de la guerre conduit aussi, du côté français, à une augmentation des pertes : il y a deux fois plus de morts dans la période 1958-1962 que dans la période 1954-1958. L’impopularité de cette guerre en France conduit le gouvernement à chercher à réduire à 24 mois la période de maintien du contingent sous les drapeaux, c’est d’ailleurs ce qu’avaient promis de faire les gouvernements précédents. Comme on aborde la conscription des classes creuses dues à la guerre 1939-45, il est nécessaire de faire appel plus largement que par le passé aux troupes supplétives ; celIes-ci vont être désormais engagées de façon plus active : harkis des « commandos de chasse », moghaznis des SAS entraînés dans des opérations de « maintien de l’ordre » et de renseignement. Ces musulmans, ainsi que ceux qui assurent des fonctions civiles (président et membres des délégations spéciales, personnels des SAS … ), se retrouvent ainsi, d’une façon ou d’une autre, plus « mouillés » que précédemment du côté de la France et les officiers au contact se sentent naturellement engagés vis-à-vis d’eux, voire sont amenés à s’engager explicitement vis-à-vis d’eux. La résistance intérieure est écrasée. L’ALN se reconstitue au Maroc et en Tunisie, mais l’efficacité des barrages l’empêche d’opérer en Algérie: la résistance populaire de l’intérieur cède le pas à l’armée des frontières, plus hiérarchisée, conventionnelle, bureaucratique. Parallèlement à l’intensification de la guerre, un effort très important est consenti pour le développement du pays (plan de Constantine) : travaux d’infrastructure (routes, écoles, habitations … ), scolarisation, assistance médicale. Les officiers, parfois en charge de ces deux missions de reconquête à la fois militaire et économique, se sentent investis d’une espèce de mission globale dans le cadre de l’Algérie française. Enfin, les Européens d’Algérie qui ont conscience d’avoir porté au pouvoir le général De Gaulle pour faire cette politique de présence française, veulent voir dans son renforcement un pas vers la réalisation de l’Algérie française. L’évolution politique mondiale, la résistance algérienne, la montée de la prise de conscience en France vont conduire, après encore 4 ans de pertes inutiles, à la solution inéluctable de l’indépendance. Celle-ci sera réalisée dans les conditions les plus désastreuses qu’on puisse imaginer. Les Européens d’Algérie, qui n’y ont pas été préparés, écœurés par la « trahison » du pouvoir qu’ils ont mis en place, sont comme rendus fous par la propagande des ultras ; certains vont commettre avec l’OAS l’irréparable vis-à-vis des musulmans. Ils devront quitter leur pays dans les pires conditions ; ils seront mal accueillis par leurs compatriotes de métropole qui les rendent responsables de ce conflit interminable et impopulaire. L’armée algérienne des frontières, en proie à des luttes intestines, prendra difficilement le contrôle du pays : militairement, parce qu’il n’y a plus guère sur place que des résistants de la 25ème heure, les résistants du mois de mars, que les Algériens appelleront les « marsiens » ; économiquement, parce que l’essentiel des cadres et techniciens européens sont partis, parfois après avoir saboté l’appareil de production. Les Algériens musulmans qui « ont fait confiance à la France » vont chercher à quitter le pays. Certains y parviendront, malgré des directives secrètes particulièrement honteuses : ils seront parqués en métropole dans des camps provisoires d’où ils ne sortiront pas. D’autres n’y parviendront pas, et pour une large part, seront massacrés de façon horrible dans l’anarchie du début de l’indépendance. L’armée enfin sera déchirée. Une partie des officiers, qui s’était engagée naïvement à fond dans cette impasse de l’Algérie française(39), se perdra dans les combats de l’OAS. Une autre partie, traumatisée à vie, quittera l’armée. Certes, quarante ans après l’indépendance beaucoup de problèmes se sont tant bien que mal estompés. Mais il n’est pas interdit de voir dans ceux qui agitent actuellement en profondeur nos pays les conséquences de la rupture brutale des liens qui existaient depuis si longtemps entre la France et l’Algérie. Quels problèmes ? Du côté de l’Algérie : développement bureaucratique du FLN et de l’ALN ; népotisme et corruption ; recours à des cadres intermédiaires de pays islamiques, notamment dans l’enseignement et au total dérive vers l’intégrisme et la guerre civile. Du côté de la France: problème des harkis honteusement traités. problèmes d’intégration des populations maghrébines, exacerbés par le développement du chômage et la ségrégation des banlieues ; montée du racisme et de l’extrême droite. Ainsi, les conséquences de l’abandon de leurs responsabilités par le gouvernement Mollet et par le gouvernement Pflimlin et les conséquences de la duplicité des premiers gouvernements de la Vème République restent toujours inscrites dramatiquement dans la réalité de chacun de nos pays, la France et l’Algérie, et dans leurs relations, à la fois si nécessaires et si difficiles.

Notes de bas de pages

(1) Les Français placent par ordre d’importance des événements nationaux depuis 1945 la guerre d’Algérie au premier rang en 1990 (52% des réponses), au second rang en 2000 (39% des réponses) (sondages BVA.
(2) Certes B. Stora recense de nombreux films sur la guerre d’Algérie … mais il constate que la majorité d’entre eux n’y font qu’allusion et n’en donnent pas une représentation. Imaginaires de guerre, La Découverte 1997. En réalité, on peut compter sur les doigts les films qui, en 40 ans, ont été véritablement consacrés à cette guerre.
(3) Robert O. Paxton, La France de Vichy, Points Histoire, Seuil, 1973.
(4) Marcel Ophuls, Le chagrin et la pitié, 1971.
(5) Maréchal De Lattre de Tassigny, Histoire de la première armée française, Presses de la Cité, 1971, p.192.
(6) 3586 début 1946, ils ne seront plus que 2770 en 1947, dont quelques centaines restés proches des communistes. Yves Roucaute, Le PCF et l’armée, PUF, 1983, p. 105. Beaucoup ayant quitté l’armée pour ne pas aller combattre en Indochine, ils ne seront plus que quelques dizaines autour du colonel Rol-Tanguy à la fin des années 50.
(7) Un commentaire d’époque de l’hebdomadaire « La Presse » figure en annexe 1.
(8) Pour des raisons médicales, Georges Alziari n’avait pas « fait » l’Indochine.
(9) La Nouvelle Critique n° 53
(10) La Nouvelle Critique n° 109
(11) Il a même fallu attendre 45 ans – 1999 – pour que le terme de « Guerre d’Algérie » soit officiellement adopté.
(12) Pour montrer que la politique algérienne était dorénavant menée de Paris et non d’Alger sous la pression de la rue, le socialiste Guy Mollet, président du Conseil, avait en 1956 remplacé le gouverneur général Jacques Soustelle) par un ministre du gouvernement qui devait résider en Algérie. Et pour bien marquer la différence avec le passé colonial, ce ministre était appelé « résidant » (avec un a) et non pas résident » (avec un e, comme précédemment, par exemple, le représentant du gouvernement au Maroc). Ce changement d’orthographe était tenu pour significatif de cette volonté politique. Le Monde 5-6 février 1956. Deux jours après, le 6 février, Guy Mollet cédait à la manifestation des Européens d’Alger hostiles au général Catroux, qui était démissionné, et le remplaçait par le socialiste Robert Lacoste.
(13) Le Monde, 2 août 1957 .
(14) Par exemple : Programme du général Aumeran : réaliser les 5 points suivants : 1. quitter l’ONU, 2. guillotiner tous les condamnés à mort … Paix en Algérie, Éditions Aumeran, p.317 .
(15) Les statistiques correspondantes du ministère de la Justice ne seront communicables qu’après un délai fixé à 100 ans (lettre du ministère de la Justice à l’auteur).
(16) René Rémond, Le retour De Gaulle, Éditions complexe, 1987, p. 63. Le général De Gaulle ne s’y trompera pas : dès son arrivée au pouvoir, il cessera les discours et les pratiques humiliants. Il reconnaîtra le « courage » des combattants algériens (4 juin 1958), les qualifiera de « braves » (septembre 1958). Il leur reconnaîtra la dignité de combattant, ce que n’aura fait aucun des gouvernements précédents ; en particulier, les condamnés à mort ne seront plus guillotinés mais fusillés. Élu à la présidence de la République en janvier 1959, il commuera l’ensemble des peines capitales alors prononcées. Il prendra de nouvelles mesures partielles de grâce en avril 1959, puis en août 1960.
(17) Le fonctionnement des téléphones de campagne nécessite l’utilisation de générateurs d’électricité (gégènes à haute tension, entraînés par des manivelles. Ces matériels sont donc largement répandus dans toutes les unités militaires en campagne.
(18) Roger Barberot, Malaventure en Algérie avec le général Pâris de Bolladière, Plon, 1957, p.198.
(19) Radical-socialiste, ministre de la Défense du gouvernement Guy Mollet, de janvier 1956 à juin 1957 ; puis président du Conseil de juin à novembre 1957.
(20) Socialiste, secrétaire d’Etat aux Forces armées (terre) du gouvernement Guy Mollet de janvier 1956 à juin 1957 ; puis ministre du Sahara des gouvernements Bourgès Maunoury et Gaillard de juin 1957 à mai 1958 ; puis ministre d’Etat, etc.
(21) Jacques Massu, La vraie bataille d’Alger, Plon, 1971, p. 153.
(22) Soit autant qu’en 17 ans de dictature du général Pinochet pour l’ensemble du Chili.
(23) Interview : La Guerre d’Algérie. France culture 1987 ; également Le Monde, 22 juin 2000.
(24) Interview, La Guerre d’Algérie. France culture 1987.
(25) Parfois les corps sont rejetés par la mer, on parle alors des « crevettes Bigeard ». Ce procédé pour se débarrasser des corps, voire pour achever les prisonniers, sera largement utilisé par les généraux argentins lors de la guerre civile en 1976-83, à la suite, a-t-on dit, de missions d’assistance technique d’anciens parachutistes français.
(26) Sur ordre explicite de Paris. Colonel Bigeard, Pour une parcelle de gloire, Plon, 1975, p.284.
(27) Henri Alleg, La Guerre d’Algérie, Temps Actuels, 1981, Tome II, p. 445. (28) Le Monde, 2 décembre 2000.
(29) Le sous-officier qui se confie à J.P. Vittori estime que 10 à 15 000 militaires ont servi dans les DOP. Confession d’un professionnel de la torture, Ramsay, 1980, p. 230.
(30) En particulier, Merry et Serge Bromberger, Les 13 complots du 13 mai, A. Fayard, 1959.
(31) Le 3ème Régiment de Parachutistes Coloniaux est l’ancien régiment du colonel Bigeard ; il est commandé depuis peu par le colonel Trinquier.
(32) René Rémond, op. cité, 70.
(33) La guerre d’Algérie. France culture 1987, op. cit ..
(34) Par exemple : Bernard Droz, Évelyne Lever, Histoire de la guerre d’Algérie, Seuil, Point Histoire, 1982, p. 174.
(35) René Rémond, op. cit., p. 13.
(36) Lors du 13 mai 1958, il n’y a pas eu un mort.
(37) Le Monde, 24 mai 1958.
(38) Henri Alleg, op. cit., Tome 3, p. 73.
(39) Trente ans après, Pierre Messmer, ministre des Armées en février 1960, met au défi de trouver une citation de lui promettant quoi que ce soit aux harkis et aux moghzanis (Lettre au Nouvel Observateur, janvier 1992). Mais le général De Gaulle n’avait-il pas déclaré cette même année :  » moi vivant, jamais le drapeau du FLN ne flottera sur Alger « . Le jeu des citations est facile, la situation de ces officiers sur le terrain ne l’était certainement pas.